Je souhaite dans cet article présenter l'une des stipulations utilisée dans les problèmes d'analyse rétrograde : la Rétro-Variation.
Rappelons d'abord qu'une position aux échecs contient des éléments visibles (position des pièces), et des éléments invisibles. Le trait est le principal élément invisible, mais il y a aussi le droit ou non d'effectuer certains coups comme le roque ou la prise en passant (Il y a encore d'autres éléments invisibles dont je ne parlerais pas). Ces droits sont décrits par des indicateurs qui peuvent prendre les valeurs OUI ou NON. Il y a un indicateur pour le petit roque blanc, un pour le grand roque blanc, etc., et un indicateur pour la prise en passant (avec la spécification de la colonne).Dans un problème d'échecs, le trait est souvent indiqué, mais le droit au roque ou à la prise en passant ne le sont pas. Ils sont gérés par les deux conventions suivants :
CR : un camp a le droit d'effectuer un roque si on ne peut pas prouver qu'il a perdu ce droit.
CP : une prise en passant est autorisée si on peut prouver qu'elle peut être jouée.
Je ne m'attarde pas sur l'origine de ces conventions. Remarquons simplement qu'elles ne permettent pas de régler toutes les situations (roques exclusifs, etc.) et qu'elles peuvent se contredire. La stipulation Retro-Variation en analyse rétrograde :
Un problème utilisant la stipulation Retro-Variations (RV) n'utilise pas ces deux conventions. Cette stipulation indique qu'il faut considérer le problème comme un ensemble de positions jumelles, où le discriminant est la valeur des indicateurs de droit au roque et de prise en passant. L'énoncé doit être résolu pour chacune de ces positions jumelles. Une question importante se pose : doit-on vraiment examiner toutes ces positions jumelles ? Andrew Buchanan m'a fait remarquer qu'en réalité, il y a une convention implicite qui conserve une partie de la convention du roque. Voici cette convention : CRV : Si l'analyse rétrograde autorise l'existence de deux positions jumelles qui diffèrent uniquement par la valeur d'un indicateur de roque, seule la position où la valeur de l'indicateur est OUI doit être examinée. Autrement dit : pour supprimer un droit à roque, il faut également modifier un autre élément de la position. Nous allons voir sur quelques exemples l'intérêt de cette convention : Problème 1 : Moravec - 1933
RV - Mat en 2 coups Il y a deux indicateurs dont on ne connaît pas la valeur : le grand roque noir et la prise en passant du pion e5. Il y a donc 4 positions jumelles potentielles. Analyse rétrograde :
Le dernier coup a été joué le pion e5, par la tour a8 ou le roi e8.
Si c'est le pion e5, il venait de e7 (pas de e6 car le roi blanc aurait été en échec) et la prise en passant est possible.
Si c'est la tour ou le roi, le roque est impossible. L'analyse rétrograde élimine donc la position où le roque est possible et la prise en passant impossible. Il reste donc 3 positions : Position A : grand roque NON et prise en passant NON
Solution : 1.Re6! suivi de 2.Dh8# imparable (1.O-O-O ? impossible) Position B : grand roque OUI et prise en passant OUI
Essai : 1.Re6? O-O-O!
Solution : 1.dxe6 ep ! (menace 2.Dh8#) O-O-O 2.Da8. Position C : grand roque NON et prise en passant OUI
Il y a un dual puisque les deux solutions précédentes sont valides, mais en vertu de la convention CRV, cette position ne doit pas être examinée puisqu'elle ne diffère de la position B que par la perte du droit au grand roque. Problème 2 : FPC - Phenix 2001
RV - Mat en 2 coups Il y a trois indicateurs dont on ne connaît pas la valeur : le petit roque noir, le grand roque blanc et la prise en passant du pion b5. Il y a donc 8 positions jumelles potentielles. Analyse rétrograde :
Le dernier coup a été joué le pion b5, par la tour h8 ou le roi e8.
Supposons que c'est le pion b5. Il n'a pas pu venir de c6 ou a6 en capturant une pièce blanche puisqu'il ne manque aucune pièce blanche. Il n'a pas pu venir de b6, puisqu'alors l'échec par le fou a4 est inexplicable. Il est donc venu de b7, et l'échec du fou a4 s'explique par la découvert Tc6-a6. Si le pion noir vient de jouer, il vient donc de b7 et la prise en passant est possible.
Si c'est la tour ou le roi, le petit roque est impossible. L'analyse rétrograde élimine donc les 2 positions où le petit roque noir est possible et la prise en passant impossible. Il reste donc 6 positions.
Notons cependant que le droit au roque des blancs est totalement indépendant des 2 autres droits. A toute position valide où le roque blanc est impossible correspond une psotion valide où ce roque est impossible. La convention CRV conduit donc a ne pas envisager les 3 positions où le roque blanc est impossible. Comme dans le problème précédent, il reste à examiner 3 positions, mais là encore, l'une d'elle ne doit pas être envisager : celle où le roque noir est impossible et la prise en passant possible. Position A : petit roque noir NON et prise en passant NON
Solution : 1.O-O-O! suivi de 2.Dd8# imparable (1.O-O ? impossible) Position B : petit roque noir OUI et prise en passant OUI
Essai : 1.O-O-O? O-O!
Solution : 1.cxb6 ep ! c6 2.Fxc6#. La convention conduit donc à éliminer 4 positions. Dans deux d'entre elles, il n'y a pas de solution (Quand le grand roque et la prise en passant sont impossible). Dans les deux autres, il y a dual (Lorsque le petit roque noir est impossible, et la prise en passant possible). Problème 3 : Nicolas Dupont - 2001 ?
RV - Mat aidé en 3 coups Il y a deux indicateurs dont on ne connaît pas la valeur : le petit roque et le grand roque. Il y a donc 4 positions jumelles potentielles. L'analyse rétrograde est très simple : au moins l'un des roques est impossible. Il reste 3 possibilités, mais la convention CRV permet de ne pas envisager la position où les deux roques sont impossibles. Position A : Grand roque NON, petit roque OUI
Solution : 1.Rd3 Td1 2.Rc2 Td2 3.Rb1 O-O# Position B : Grand roque OUI, petit roque NON
Solution : 1.Rf3 Tf1 2.Rg2 Tf2 3.Rh1 O-O-O# La position où les deux roques sont impossibles n'a pas de solution. Conclusion : Etant donné qu'on ne peut jamais démontrer que le droit au roque est conservé (sauf DR), la convention CRV me semble le minimum que l'on puisse demander à une convention sur le roque. Elle est plus faible que la convention CR habituelle, mais permet de créer des problèmes corrects (existence de solution, élimination de duals) et logique.
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