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Le mystère Eichborn. par te***ji**8907 le
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« Que l’on m’en dise plus sur cet obscure Louis Eichborn ! »... voilà en substance ce que fut la surprenante réponse du vieux maître Hermann Von Gottschall, à la question pourtant toute souriante et complice de son collègue Jacques Mieses.
Nous sommes en 1926 en Allemagne, dans les derniers jours du tournoi d’Hanovre. Cela fait prêt d’une heure que Mieses analyse cordialement le thé à la main sa victoire contre Von Gottschall. Ce dernier, dont ce sera le dernier tournoi, se consacrera encore quelques années à l’écriture de livres d échecs et à l’édition, il avait une petit société avec un associé, de fascicules à Leipzig.
Depuis quelques instants la discussion allait vers des considérations un peu plus terre à terre. Mieses, conscient de la fin de carrière annoncée de son vieil adversaire, lâcha malicieusement un « Alors que désiriez vous apprendre encore aux échecs ? » (le récit de cette discussion fut évoquée brièvement par le maître berlinois Berthold Koch dans un article vantant le travail accompli sur le livret édité peu de temps après sur les parties jouées et analysées lors de ce tournoi.
Von Gottschall expliqua à son interlocuteur quelque peu intringué, qu’il s’était retrouvé frustré de n’avoir pu éclaircir ce qu’il prenait pour « son » plus grand mystère de l’histoire des échecs.
En effet, le maître Von Gottschall en 1909 travaillait à la rédaction d’un livre concernant la carrière du célèbre joueur allemand Adolf Anderssen (le « Adolf Anderssen - der Altmeister deutscher Schachspielkunst » sortira en 1912 et eut un franc succès en europe).
Et que collectant, analysant et compilant toutes les parties d’échecs envoyées par les proches du génial joueur et par le Cercle de Breslau (ville où Anderssen vécut toute sa vie), il fut troublé par une série de défaites encaissés par Anderssen contre un même adversaire entre 1852 et 1859.
Ce parfait inconnu, un certain Louis Eichborn, joua 33 parties contre Anderssen et obtint un score de 30 à 2 (et 1 nulle) en sa faveur !!!
Surpris et s’imaginant une erreur dans la retranscription des notes qu’il avait sous les yeux, il écrivit au Cercle de Breslau qui lui confirma par retour de courrier l’authenticité des informations en précisant que ses feuilles de parties avaient été léguées pour certaines au cercle par la propre famille d’Eichborn quelques années après son décès.
Qui était Louis Eichborn ?
Il semble qu’il soit né en 1812 quelque part en Allemagne et qu’il soit décédé en le 9 mai 1882 à Breslau.
Et à vrai dire nous possèdons très peu d’information le concernant.
Certains disent qu’il faisait partie de la célèbre famille Eichborn, puissants banquiers berlinois. Et l’on a même cru trouver sa trace dans l’immense arbre généalogique de cette « grande institution », or les dates de naissance et de mort de ce qui ne s’avère être qu’un homonyme ne correspondent pas, de près d’une quinzaine d’années, à celles mentionnées ailleurs (cf plus haut).
L’hypothèse la plus probable serait qu’Eichborn ai été un collègue d’université d’Anderssen… piste à prendre au sérieux tant on sait qu’Anderssen était dévoué corps et âme à son emploi d’enseignant au point de refuser les déplacements en dehors de l’Allemagne (même pour sa passion) et d’hésiter à s’accorder des congés.
Ce que l’on sait du mystérieux personnage en revanche c’est qu’il eut une grande utilité dans l’entraînement du grand Anderssen pendant une période où son métier, ne lui permettait même pas de participer au traditionnel tournoi de Berlin.
Ce qui reste surprenant c’est qu’Anderssen, qui se (Morphy le souligna plus d’une fois) caratérisait par une extrême modestie, n’en ai fait mention à quiconque, ni nulle part... sauf une fois dans un article paru dans « Schachzeitung » en 1847.
En effet Adolf Anderssen prit sa plume pour parler de l’activité échiquéenne de la ville de Breslau… et il en vient à faire les louanges sur le niveau de jeu d’un Louis Eichborn parmi tous les autres forts joueurs de la ville, précisant au passage qu’il lui trouvait un talent immense dans l’art de s’adapter au jeu adverse au point, dit-il « qu’il devient extrêmment difficile de le surprendre au bout de quelques parties ! »... cette remarque est-elle motivée par une expérience personnelle ?
Dans le même ouvrage pour l’année 1856, un certain E.Kossak s’interroge sur le temps que mettra Anderssen à considérer l’éventualité "d’accorder un match à Louis Eichborn" ou un autre fort joueur de Breslau nommé Hillel. Or une rencontre non officielle sur une dizaine de parties eut lieu entre Eichborn et Hillel, on raconte que ce dernier aurait été pulvérisé sans avoir eut ne serait-ce que l’ombre d’une chance dans une seule partie (Hillel rencontra en 1856 Anderssen… score 3-1 pour Anderssen).
Von Gottschall fit plus de recherches. Il trouva d’autres parties d’Eichborn contre d’autres adversaires : Nosa, Schall et un anonyme qui se fit appeler (plein de courage !) sur les feuilles de match « le responsable de la Chambre de commerce de Breslau »… tous « succombèrent » au jeu entreprenant de Louis Eichborn.
A l’arrivée, certains émettent l’hypothèse que Louis Eichborn aurait effectivement gagné plus d’une trentaine de parties contre Anderssen, mais qu’il en aurait perdu bien plus, n’ayant conservé à l’arrivée que la trace de ses victoires… Or aucunes feuilles de parties, ni mentions quelconques témoignant des défaites d’Eichborn n’ont été retrouvé dans les carnets d’Anderssen (dont la majeure partie de ces documents on été légués au Cercle d’échecs de la ville de Breslau en 1879) qui conservait et archivait tout pour analyse (il partageait d’ailleurs ce plaisir en tenant une correspondance très régulière avec le vieux maître allemand Karl Mayet).
D’autres que ce seraient des parties rapides sans aucunes importances (effectivement à la re-lecture de certaines parties le jeu d’Anderssen semble étrangement moins « vivant », bourré d’imprécisions et de bourdes, voire carrément faible…) ou encore des parties d’entraînement mais là encore aucunes preuves n’est avancées.
Plus récemment, en 1987 le journaliste et archiviste américain(intervenant régulier et apprécié de New in Chess mais aussi du British Chess Magazine et de Chess Life…) Jeremy Gaige tentera de percer le mystère lors de la réalisation de son énorme bibliographie « Chess Personalia » et ses recherches n’aboutiront pas plus loin que celles d’Hermann Von Gottschall.
Jeremy Gaige s’amusa dit-on quelques temps après dans un article à évaluer par le « sacro-saint » élo les exploits échiquéens de Louis Eichborn contre Adolf Anderssen. Son calcul valant ce qu’il vaut, il détermina qu’Eichborn réalisa une performance de plus de 3000 élo (!!!).
Une chose est sûre, le mystère demeure… et Hermann Von Gottshall n’eut jamais « sa » réponse
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Y a pas à dire , tu as un talent de narrateur. Très choouettes tes histoires!
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Moi je sais ! C'est Bobby Fischer qui s'est choisi "Eichborn" comme pseudo pour éclater Anderssen sur le net. En plus il s'aidait de Fritz.
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Difficile de donner son opinion. J'ignorais le personnage mais il faut s'imaginer que seules les parties gagnées ont été conservées.
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superbe! Étonnant qu'un type ayant un tel score contre Anderssen passe pour un parfait inconnu:
Je prends l'histoire comme elle est, parce qu'elle est belle: mais si un jour on parle d'un certain Maximilien Dugenou ayant un "score de 30 à 2 (et 1 nulle) en sa faveur !!! " face à Garry Kasparov ( ce qui lui ferait une performance elo stratosphérique) il planera comme une doute sur l'histoire. je veux croire que c'est vrai, parce que c'est beau... et parce que je ne veux surtout pas que Temudjin arrête de nous charmer! merci Temudjin, cette anecdote est magique, qu'elle soit réelle ou le fruit d'une imagination débridée. à moins qu'il ne s'agisse de cet autre Andersen, rapportant un de ses fameux contes? ;o)
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torlof pense qu'a l'époque les infos circulaient beaucoup moins vite...voire pas du tout...
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Bravo temudjin pour l'histoire, Pour moi, une histoire de ce style ne serait plus du tout plausible pour Kasparov, mais à l'époque vu le type de jeu pratiqué, tout était possible....
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très jolie histoire merci ;-)
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çà me rappelle cette histoire racontée par Lasker à un journaliste,et qui disait , en substance:
Lasker: "Lors d'un Tournoi à Moscou, un vieux Russe est venu me trouver et a demandé à jouer une partie contre moi. J'ai accepté et...il m'a battu en moins de 20 coups!
Vexé, je lui ai demandé une revanche: même résultat !"
Le journaliste: "Incroyable ! Alors ,qu'avez vous fait?"
Lasker : "J'ai amené le vieux Moscovite dans la chambre d'hotel où résidait Capablanca, et je lui ai demandé de l'affronter"
Le journaliste "Et alors?"
Lasker:" Vous me croirez si vous voulez, mais le petit vieux a battu Capablanca à plates coutures, en moins de 20 coups!"
Le journaliste:"C'est extraordinaire !Mais qu'est devenu ce vieux Moscovite ?"
Lasker, rigolard:"Diable,nous l'avons tué , bien sûr !!"
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pas mal cette histoire superg ;o)
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Lassé des échecs, Eichborn a ensuite permuté quelques lettres histoire de n'être pas reconnu et exercé sa perspicacité comme policier de l'autre côté du Rhin.
Sacré Roger !
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Hélas, les époques ne concordent pas ( Et Roger vit même encore ! ) Quand à Eichborn, il vivait en Pologne actuelle. Donc bien loin du Rhin.
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A star Eichborn ?
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