A notre niveau (je veux dire par là d'amateurs passionnés... mais pas entièrement compétents, disons 1500-1800 - pour préciser, car je ne veux vexer personne avec ce qui va suivre...), nous avons beaucoup trop tendance à déclarer péremptoirement : "c'est nulle" ! Pour s'en convaincre, suivre les tournoi en direct sur le chat !
Je pense qu'il nous faudrait une fois pour toute cesser de penser ainsi, d'une part pour l'intérêt de la discussion, d'autre part pour notre manière d'aborder le jeu. En effet, qu'est-ce qu'une position nulle ? c'est une position qui ne peut pas être gagnée sans une énorme bêtises adverse... Il me semble que de telles positions ne sont pas si courante. En général, une ou deux petites fautes (si elles sont contrées avec un jeu adéquat) suffisent à rendre la position très difficile.
Je vous propose donc d'éliminer de notre vocabulaire cette expression et de lui préférer "c'est égal" ou "chances réciproques". En partie, cela évitera peut-être d'orienter notre pensée vers la seule préoccupation de ne pas faire de bêtises (une attitude qui se termine en principe par... une bêtise après une série de coups sans énergie et une position devenue un peu difficile !)Prenons un simple exemple, la partie de Karpov et Shirov hier à Linarès. Au sortir de l'ouverture, tout le monde de se gausser :"Karpov et Shirov c'est nulle"! Or, et vous le savez si vous avez suivi les analyses du GM Shipov sur kasparovchess (pub gratuite), Karpov a failli la perdre avec un coup faible qui auraitdû lui coûter un pion au 29e coup. Quant à Shirov, il a choisi le bon coup pour se tromper à son tour au 30e et devoir se contenter du demi-point. Pour êtreencore plus clair, je résume: dans une position plutôt égale avec un très léger avantage blanc, KARPOV (je veux bien qu'il vieillisse mais il a encore unniveau légèrement supérieur au nôtre - là j'élargis la valeur de nôtre jusqu'à au moins 2400...) a failli perdre la partie avec un coup faible (donc, pas avec uneénorme gaffe du genre je place une pièce en prise sous le nez adverse...). Alors que SHIROV (dont personne ne pourra me dire qu???il est trop vieux) n???a passu en profiter pour se retrouver dans une position largement supérieure. Je retirerais de cette partie la leçon suivante: les deux GM ont joué une positionégale avec chances réciproques et ils ne sont pas parvenus à être parfaitement précis. Maintenant, redescendons de l'Olympe. Appliquant ce genre de raisonnement à notre pratique, je pense que nous serons à la fois plus attentifs, plus imaginatifs (il vaut mieux se fatiguer à trouver une idée dans une position "égale" que dans une position "nulle"...) et certainement plus à même d'engranger des points. Et si notre adversaire voit tout et défend bien... et bien nous partagerons le point !
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