Sergio Orce, Latilly, Mai 2001 INTRODUCTION Le récent dialogue suscité dans le Forum de France-Echecs, relatif au thème de la convention qui détermine l???utilisation du roque et de la prise en passant, m???a fait penser qu???il serait peut-être utile de faire le point détaillé des concepts en jeu.
C???est une discussion qui réapparaît cycliquement parmi les compositeurs et les analystes de problèmes d???échecs et particulièrement parmi les spécialistes de l???Analyse Rétrograde (AR).
Cette polémique a des antécédents illustres: l???analyse de la problématique par Luigi Ceriani, où il analyse des commentaires de Karl Fabel et une composition de N. Petrovic, voir note i. C???était en 1959, peu après que le Congrès réuni à Piran ne fixe ???dans la convention connue comme Piran Codex- de façon à peu près définitive, les normes à suivre dans la composition échiquéenne . Ambiguïtés, notions floues, contradictions et, en général, incompréhensions de toutes sortes, alimentent des discussions jusqu???à nos jours. Un thème qui se prête à merveille à cette confusion est celui de la ???justification à posteriori???. J???annonce tout de suite la couleur: ma position -à regrêt- est la suivante : la ???justification à posteriori??? n???est pas soutenable. A regrêt, parce que ce type de problèmes procure une petite sensation de toute-puissance liée au pouvoir (illusoire) d???exercer une mystérieuse manipulation du passé. On peut constater qu???il y a deux causes principales aux malentendus et aux interminables discussions qu???ils provoquent, dans lesquelles tout le monde semble avoir raison a tour de rôle.
La première est qu???on entame la discussion sans se mettre au préalable d???accord sur le texte ou les affirmations précises à discuter: Pierre soutient la thèse A, Jean soutient que la thèse A??? n???est pas vraie (A et A??? sont semblables mais pas identiques). Il est probable que les deux aient raison, mais ils parlent de choses différentes. La deuxième cause, spécifique celle-ci aux problèmes d???échecs qui nous occupent, est de discuter simultanément du roque, de la prise en passant, et pas mal de fois aussi des roques subordonnés, en prenant comme appui, le cas échéant, un problème qui contient tous ses thèmes . Tenant compte de ces périls, qui guettent la moindre distraction et peuvent conduire à des discussions sans fin, je propose la démarche suivante : a)Je vais définir strictement ce que je voudrais analyser.
Cela veut dire qu???avant de commencer à discuter mon affirmation : la ???justification a posteriori??? n???est pas soutenable, je voudrais être sûr qu???on est d???accord sur les éléments constitutifs de notre univers de discours (ou non, et dans ce cas, sur lesquels) . De manière à éviter le problème de Pierre et Jean. b)Je vais restreindre, dans un premier temps, l???analyse à un seul roque (donc sans roques subordonnés) et sans prise en passant.
On élimine ainsi le risque de mélanger les concepts, quitte à poursuivre dans une deuxième étape avec les autres sujets séparément, puis, dans une troisième étape en les combinant . c)Je présente à la fin, à titre d???exemple, trois problèmes très simples, à l???air inoffensif, mais qui permettent d???évaluer les conséquences du texte qui suit. CHAPITRE 1 ??? LE ROQUE Définitions : 1) Roque potentiel : configuration formée par le roi et la tour de la même couleur, dans leurs cases d???origine. 2) Roque illégal : roque potentiel, le roi et/ou la tour ayant bougé. 3) Roque légal : roque potentiel, le roi et la tour n???ayant pas bougé 4) Roque non exécutable : roque légal avec empêchements transitoires. Voir note ii. 5) Roque exécutable : roque légal sans empêchements transitoires. 6) Casser le roque : dans une configuration de roque légal, bouger le roi ou la tour. 7) Position antérieure à la position considérée : toute position à partir de laquelle, en exécutant des coups légaux, on peut arriver à la position considérée. 8) Position postérieure à la position considérée: toute position à laquelle on peut arriver, en exécutant des coups légaux, à partir de la position considérée. 9) Expressions équivalentes : a- le roque est légal
b- il a le droit de roquer
c- il peut roquer (pas nécessairement dans le coup suivant, voir note ii)
d- le roi et la tour concernés n???ont pas bougé. Corollaires des règles des échecs relatives au roque : 10) Roquer est un coup légal si le roque est exécutable.
11) Si dans une position le roque est légal, il l???est aussi dans toute autre position antérieure.
12) Si dans une position le roque est illégal, il l???est aussi dans toute autre position postérieure.
13) Si dans une position le roque est légal, la légalité du roque dans cette position, n???est pas mise en cause si dans le futur le roque est cassé, ou il ne se réalise pas. Catégories de positions : Les positions qui contiennent un roque potentiel peuvent être classées en trois catégories: 14) positions dans lesquelles l???AR démontre l???illégalité du roque
15) positions dans lesquelles l???AR démontre la légalité du roque (il n???existe pas de position dans cette catégorie, voir note iii)
16) positions dans lesquelles l???AR ne peut pas démontrer l???illégalité du roque. Convention sur le roque : Une conséquence fâcheuse, du fait qu???il n???existe pas de position de la catégorie 15), est qu???aucun problème ne peut utiliser le roque d???une façon justifiée. Pour y remédier a été établie la Convention sur le Roque (CR) : 17) Dans toute position de catégorie 16) le roque est légal. Corollaires de la CR : Après application de la CR 17), toutes les positions contenant un roque potentiel peuvent sans aucune ambiguïté être classées en deux catégories : 18) Positions dans lesquelles l???AR démontre l???illégalité du roque
19) Toutes les autres positions,où le roque est légal.
20) Après application de la CR il faut ajouter aux expressions équivalentes du point 9) la suivante : 9) e-il existe au moins une partie justificative de la position où le roi et la tour n???ont pas bougé Exemples : Ces trois problèmes ont été construits simples à dessein, pour montrer (sans aucune interférence possible dûe à la complexité, à la beauté ou à la qualité de la composition) les conséquences des 20 énoncés présentés. J???espère qu???ils permettront, avant d???aller plus avant, de mettre facilement en évidence nos accords et nos désaccords. SO1 Position :Blancs :Rb7. 1 pièce.
Noirs :Re8 ; Th8 . 2 pièces.
Trait au blancs. Enoncé :Les noirs ont droit au roque ? Solution :Non ; il s???agit d???une position de roque potentiel catégorie 18) SO2 Position: Blancs :Rb7. 1 pièce.
Noirs :Re8; Th8; Pa6. 3 pièces.
Trait aux blancs. Enoncé :Dernier coup? Solution:a7>a6 ; il s???agit d???une position de roque potentiel catégorie 19) donc le roque est légal, c???est-à-dire que le roi et la tour n???ont pas bougé, en conséquence a7>a6 a été le dernier coup. SO3 Position :Blancs :Rb7. 1 pièce.
Noirs :Re8 ; Th8 . 2 pièces. Enoncé :Qui a le trait ? Solution :Les noirs ; il s???agit d???une position catégorie 19). Donc le roque est légal et en conséquence le dernier coup a du être exécuté par les blancs. Les problèmes SO2 et SO3 nous permettent d???éclaircir une notion qui sera utile quand nous traiterons le chapitre 3- Le roque et la prise en passant : En application du corollaire 13) : pour que la solution soit correcte il n???est pas nécessaire que les noirs roquent postérieurement. Dans le SO2 le dernier coup a7>a6 ne ???cesse??? pas d???être le dernier coup si les noirs ne roquent pas dans la suite de la partie, ou s???ils cassent le roque, idem pour le trait du SO3. SUITE Si cette présentation du problème du roque s???avère intéressante je peux continuer avec : CHAPITRE 2 - LA PRISE EN PASSANT
CHAPITRE 3 - LE ROQUE ET LA PRISE EN PASSANT
CHAPITRE 4 - LES ROQUES SUBORDONNES
CHAPITRE 5 - LES ROQUES SUBORDONNES ET LA PRISE EN PASSANT
CHAPITRE 6 - CONSEQUENCES INTERESSANTES DES ANALYSES ANTERIEURES NOTES i- Il s???agit d???un problème de N. Petrovic de 1955 où la solution, après la clé constituée par une prise en passant, nécessite de laisser passer la tour de l???autre coté du roi, on peut le faire de deux façons: le roque ou Re2 ; l???antidual consiste, précisément, dans la ???nécessité de justifier a posteriori la prise en passant par l???exécution du roque???. L???analyse de L.Ceriani dans un article de 1959, conclut à la non validité du raisonnement et que le problème a bel et bien un dual.
Le problème et les commentaires de L. Ceriani seront présentés dans le chapitre 3 : le roque et la prise en passant. ii- Empêchements transitoires: Dans une configuration de roque légal les empêchements transitoires sont : a) Le roi est en échec.
b) Le roi se mettra en échec du fait de roquer.
c) La tour se mettra en prise du fait de roquer.
d) Il y a des pièces dans la ligne entre le roi et la tour.
e) Le trait est à l???autre couleur. iii-A partir de la position initiale, après les coups :1Cc3, Cc6 ; 2Tb1,Tb8 ; 3Ta1, Ta8 ; 4Cb1, Cb8 ;5Cf3, Cf6 ; 6Tg1, Tg8 ; 7Th8, Th1 ; 8Cg1, Cg8, la configuration de pièces résultante est identique à la configuration de la position initiale mais la position diffère parce que les 4 indicateurs de roque ont changé (ils ont passé de ???roque légal??? à ???roque illégal???), appelons cette nouvelle position : position de référence. Par définition, une position légale quelconque doit avoir parmi ses positions antérieures la position initiale, donc elle a nécessairement, parmi ses positions antérieures, aussi la position de référence. D???ou l???impossibilité de prouver que les tours n???ont pas bougé. Sergio Orce
Latilly, Mai 2001
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