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Lev Polougaevsky par Penarol le  [Aller à la fin] | Actualités |
Bonjour mes amis !

Je profite d'un peu de temps libre pour répondre à quelques questions sur Lev Polougaevsky (forum Olympiades).

Je ne réponds pas forcément dans l'ordre mais le coeur y est.

" Grandmaster preparation" est-il le "best book ever" ? C'est selon moi un livre vraiment formidable, très intéressant pour le lecteur et qui se situe dans un contexte particulier, une époque. Je pense par exemple au thème de l'ajournement. Je dirais que d'une manière générale tous les livres de Polou ont un trait commun : le lecteur est traité sérieusement avec des analyses propres et poussées (mais probablement avec quelques fautes car les logiciels n'étaient pas encore là). Il passait énormément de temps à la rédaction et je peux vous assurer qu'il n'a bénéficié d'aucune assistance extérieure. L'autre caractéristique est l'originalité. Ses livres sont assez différents des autres et on sent bien qu'il apporte beaucoup de touches très personnelles.

Est-ce le meilleur livre de l'histoire des échecs ?

Franchement je ne sas pas mais je suppose que si le magazine Rolling Stone faisait un classement des 100 meilleurs livres d'échecs il y serait.
Disons qu'il faudrait essayer de le lire même s'il n'est pas toujours simple d'accès.

J'ajoute que je connais Boris Gelfand depuis environ 35 ans et selon moi il est (sur le plan échiquéen mais aussi souvent dans la vie) le fils spirituel de Polou. Et d'ailleurs, quasiment pour les mêmes raisons, les livres de Gelfand sont très appréciés (dans certains tournois j'ai vu des GMI lui demander un autographe après avoir acheté un de ses livres !).

L'anecdote de Botvinnik qui traite Polou de paresseux parce qu'il n'a pas encore pondu un livre est vraie. Sur l'instant Lev a été un peu choqué. Après réflexion il a senti que c'était important mais butait sur le thème. Et puis un jour il a raconté l'histoire de sa variante dans la Najdorf qui est tout à fait à son image (audacieuse, originale, complexe). Sa phrase résume bien sa pensée : "Lorsque je joue la Sicilienne je suis prêt à aller au bord du précipice mais les Blancs doivent m'accompagner !"

C'est amusant car lorsque je suis allé chez Botvinnik avec Lev, ils ont reparlé de cette histoire de paresseux et ils ont bien rigolé.
La question a été posée : vais - je écrire un livre sur Polougaevsky ? Disons que chez lui à Moscou (il habitait un quartier chic derrière la Place Rouge) Botvinnik ne m'a pas traité de paresseux. J'estime donc n'avoir aucune obligation...

Je crois que cela me ferait plaisir mais la marche me semble un peu haute. Il faudrait peut-être que je fasse ça avec Gelfand (mais il a plein d'autres choses à faire). Mon seul et unique livre remonte à 30 ans "Sicilan Love" (New in Chess). Jeroen Piket avait fait les analyses et moi le texte. En arrivant à Buenos Aires en 1994 je ne savais même pas que je devais écrire le livre du tournoi car Lev, déjà très malade, avait oublié de m'en parler. Je crois que les gens aiment bien ce livre qui est aujourd'hui épuisé et parfois vendu à des prix totalement indécents.

En tout cas je vous remercie tous pour vos gentils messages et l'estime que vous portez à Lev Polougaevsky qui n'était pas seulement un grand champion d'échecs mais aussi un type vraiment formidable.


Vraiment formidable,oui !
Outre ses qualités techniques d'entraîneur, il avait une énorme qualité humaine alliant générosité, enthousiasme et humour.
Polugaevsky était aussi un bon vivant ; je me rappelle d'une soirée arrosée à Auxerre en 1992, où il m'avait raccompagné en voiture bien qu'ayant copieusement honoré la spécialité locale (en rouge)chez des hôtes généreux. Outre Polu, il y avait entre autres Karpov, Anand et le jeune Hauchard, si mes souvenirs sont exacts.
Pendant le trajet je le guide dans les jolies rues de la ville, on papote, on rigole et il me demande qui on joue demain. Quand il se rappelle qu'il a les Noirs (Kasparov était au premier, Murey au 3 et côté francais il y a avait entre autres Belkhodja Giffard, Bernard, Lejeune, Boudre aussi je crois - de mémoire), on se rend compte qu'il joue Anand, alors le grand espoir mondial (l'année d'avant à la surprise générale il avait faillit battre Karpov en quart de finale des Candidats à Bruxelles).
"Pas de problème, je vais le massacrer" rigola Polu. En fait, l'Indien put sauver la nulle, à l'issue d'une belle partie.


bzh92, le
J'étais tombé sur lui sur un quai du métro St Michel au milieu des années 90 mais je n'avais osé l'abordé car il était en famille. Je sortais du magasin Variantes et si j'avais acheté son livre sur la sicilienne Polou, j'aurais tenté ma chance. GELFAND est plutôt le fils de RUBINSTEIN à mon avis.


Penarol, le
Ce lien étant plutôt destiné à Polou je ne vais pas trop dévier sur Gelfand (autre lien ?). Je dirais que Boris est un fan inconditionnel de Rubinstein. C'est connu et il le revendique. Mais est-ce son fils spirituel ? Je ne crois pas.
Ils n'ont pas exactement le même style de jeu et la même approche. J'ai le sentiment que Gelfand, si vous refusez la filiation avec Polou, ressemble dans ce cas plutôt à Botvinnik.


Bibifoc, le
Merci Penarol pour l'ouverture de ce fil et les explications.
"Lorsque je joue la Sicilienne je suis prêt à aller au bord du précipice mais les Blancs doivent m'accompagner !"
A rapprocher du Mikhaïl Tal
" Vous devez emmener votre adversaire dans une forêt sombre et profonde où 2+2=5, et le chemin qui y mène n'est assez large que pour un seul. »
les deux se sont retrouvés souvent dans la même forêt notamment du 24 mars au 12 avril 1980 du coté d'Almaty .


Bibifoc, le
https://twitter.com/dgriffinchess/status/1453438345594482700
Cette photo est très belle


Julo62, le
@ Bibifoc

Je ne suis pas sûr que les approches de Tal et de Polougaïevsky étaient autant similaires que ça, sur le fond.

J'avais lu que si Polougaïevsky (et plus encore Kortchnoï) avaient tant de réussite contre Tal, c'est parce que dans le calcul, ils pouvaient rivaliser (et donc, parfois, réfuter les tentatives souvent hasardeuses de Tal).
Mais le côté calcul n'était qu'une des facettes du talent combinatoire de Tal. Dans la créativité ou l'inventivité, il surpassait les autres.
Il avait aussi une autre aptitude corroborée par ses facilités de blitzeur, c'était de voir ou de sentir la ligne principale, jusque fort loin en avant, très en amont.

Polougaïevsky, pour revenir à lui, était très doué pour le calcul. Il était doté d'une grande rigueur et d'une grande précision dans cette exercice.
C'est pour cela qu'il ne rechignait pas, avec les Noirs, à jouer des systèmes où il devait assumer une grande complexité analytique pour des chances de gain.

Tal, lui cherchait plus le chaos pour le chaos, car il savait qu'il y discernerait des choses que les autres n'envisageraient même pas.

Très caractéristique est la différence d'approche selon la couleur, chez Polougaïevsky.
Lui-même l'avouait, cela pouvait paraître surprenant de comparer ses choix d'ouverture sur le rasoir avec les Noirs à son approche plus classique avec les Blancs (on peut mettre des guillemets à classique^^).

Tal, si on considère le jeune joueur (pas celui des records d'invincibilité) jouait les Blancs et les Noirs avec la même idée : compliquer.
(Après tout, il se justifiait ainsi quand on lui reprochait de laisser tant de pièces en prise : l'adversaire ne peut en capturer qu'une seule à la fois !)


En gros, pour trouver une idée paradoxale mieux valait consulter Tal, mais pour la calculer scientifiquement, Polougaïevsky était, au moins, son égal.


Julo62, le
Pour les livres de Polougaïevsky, j'en ai souvent parlé, mais les 2 tomes du Labyrinthe sicilien, traduit aussi par Penarol, sont très bien (traduits et ecrits^^).

Ce sont aussi des objets "à part".
Certainement qu'au moment de leur écriture ils avaient un plus grand intérêt théorique, mais je ne crois pas que ça ait jamais été leur objectif (alors que l'explication de duels - au sens romanesque du terme, presque - théoriques fait partie de l'ouvrage).

En fait, l'auteur nous fait part de tout le travail de compréhension qu'il a réalisé "du départ", c'est à dire, finalement, dès que les deux joueurs acceptent le déséquilibre Majorité centrale / Avantage de développement.
Et le chapitre sur les finales "typiques" ferme la boucle.

Ainsi, je crois que le livre reste pertinent, surtout pour l'amateur sans trop d'autres ambitions que de comprendre un peu ce que font ceux qui savent jouer 😉

Petit bonus : Fischer.
Malgré le conflit géopolitique et les difficultés qu'éprouvaient les soviétiques s'ils n'étaient pas suffisamment critiques de l'occident, le monde des échecs en URSS n'a jamais vraiment caché l'admiration qu'il avait pour le jeu de l'américain.
Polougaïevsky ne fait pas exception, et comme ils partageaient la sicilienne, beaucoup des œuvres magistrales du 11e champion du monde sont commentées.


@Penarol
J'aimerais beaucoup que tu écrives un livre sur Polougaïevsky. Mais bien sûr cela demande un travail important, et il t'appartient de savoir si tu le veux vraiment.


Renan, le
"Lorsque je joue la Sicilienne je suis prêt à aller au bord du précipice mais les Blancs doivent m'accompagner !"

Lorsque je joue aux échecs je suis prêt à aller au bord du précipice avec mon adversaire mais souvent je tombe tout seul dedans.


Chemtov, le
Comme DocteurPipo mentionnait la Nationale 1 de 1992, je me rappelle de Gabor Kallai (pas encore GM et qui n'avait pas encore écrit de livres de théorie) et qui allait jouer contre Polougaïevsky. Quelle excitation! Quel bonheur! (Nous avons toujours remercié les grandes équipes pro de nous offrir des quasi cours et entraînements gratuits contre les meilleurs joueurs du monde).

Là, en plus, Gabor s'en était bien sorti après une partie épique (débat théorique, milieu de jeu très périlleux, longue finale théorique à réviser).

Polugaevsky,L (2630) - Kallai,G (2455) [D21] FRA-chT France, 1992

1.d4 d5 2.c4 dxc4 3.Nf3 c5 4.e3 cxd4 5.Bxc4 Qc7 6.Qb3 e6 7.exd4 a6 8.Nc3 Nc6 9.Be2 Nf6 10.0-0 Be7 11.Rd1 b5 12.a3 Bb7 13.Bg5 Na5 14.Qa2 Nd5 15.Rac1 Qd8 16.Bxe7 Qxe7 17.b4 Nxc3 18.Rxc3 Bd5 19.Qc2 Nc4 20.Bxc4 bxc4 21.Ne5 a5 22.Qa4+ Kf8 23.bxa5 Qg5 24.Rg3 Qd8 25.Qb4+ Kg8 26.Nxc4 Bxc4 27.Qxc4 Rxa5 28.d5 Rxd5 29.Rxd5 exd5 30.Rd3 g6 31.Qxd5 Qf6 32.Qd8+ Kg7 33.Qxf6+ Kxf6 34.Rd1 Ra8 35.Ra1 Ra4 36.Kf1 Ke5 37.Ke2 Kd4 38.Kf3 Kc5 39.Re1 Ra7 40.Kf4 h6 41.h4 Kd4 42.Re3 Rb7 43.a4 Rb2 44.Kf3 Ra2 45.h5 gxh5 46.Re4+ Kd5 47.Rh4 Ke6 48.Kg3 Ra3+ 49.f3 Kf6 50.Rb4 Kg5 51.Rb5+ f5 52.Rb4 Rc3 53.Rb8 h4+ 54.Kh2 Ra3 55.Ra8 Ra1 56.a5 Kf4 57.a6 h3 58.a7 hxg2 59.Kxg2 Ra3 60.Kh2 Ra2+ 61.Kg1 h5 62.Rh8 Rxa7 63.Rxh5 Ra5 64.Kf2 Ra2+ 65.Kg1 Rb2 66.Kf1 Kxf3 ½-½




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